Par Jean-Marc Daniel
Il y a 200 ans, est organisée dans la cathédrale de Reims une cérémonie marquante, celle du sacre du roi de France Charles X. Ce que ne savent pas les participants, c’est que ce sera la dernière de l’histoire. Charles X reste en effet jusqu’à ce jour le dernier à porter le titre de roi de France, son successeur Louis-Philippe ayant reçu celui de roi des Français.
Frère de Louis XVI et de Louis XVIII, petit-fils de Louis XV, Charles X est né le 9 octobre 1757 à Versailles. Ayant fui la Révolution dès le 16 juillet 1789, après le retour de la monarchie en 1814 il fédère pendant le règne de son frère Louis XVIII le courant réactionnaire des ultraroyalistes. Devenu roi en septembre 1824, il décide de se faire sacrer, selon la tradition, à Reims, lieu historique du couronnement des rois de France depuis que Clovis y a été baptisé à la fin du Ve siècle. Il en annonce le principe dans un discours prononcé le 22 décembre 1824, dans lequel il déclare :
“Prosterné au pied du même autel où Clovis reçut l’onction sainte, et en présence de celui qui juge les peuples et les rois, je renouvellerai le serment de maintenir et de faire observer les lois de l’État et les institutions octroyées par le Roi mon frère ; je remercierai la divine providence d’avoir daigné se servir de moi, pour réparer les derniers malheurs de mon peuple, et je la conjurerai de continuer à protéger cette belle France que je suis fier de gouverner”.
Large écho de la cérémonie dans l’opinion
La date retenue est celle du 29 mai 1825. L’événement, dont le contenu a été modernisé par rapport aux sacres d’avant la Révolution, se déroule du 28 au 31 mai, le 29 étant consacré spécifiquement au sacre lui-même. Puis Charles X regagne Paris où son entrée le 6 juin donne lieu à deux jours de fête. Chateaubriand conclut l’affaire en une formule dont il a le secret pour décrire le Roi solennellement couronné ; pour lui, Charles X est : “pieux comme Saint Louis, affable, compatissant et justicier comme Louis XII, courtois comme François Ier, franc comme Henri IV”…
“L’impopularité croissante de Charles X, qui débouche sur son départ précipité en juillet 1830, conduit à une relecture du 29 mai 1825 très vite interprété comme un chant du cygne anachronique de l’Ancien Régime”
Politiquement parlant, Charles X envisage cette cérémonie comme, toujours selon Chateaubriand, “le maillon de la chaîne ayant uni le serment de la monarchie nouvelle au serment de l'ancienne monarchie”.
Sur le moment, l’opération est plutôt réussie. Le principe du sacre reçoit un accueil favorable au point d’avoir un large écho dans l’opinion. Ainsi, par exemple, Rossini, en train de créer un nouvel opéra inspiré de “Corinne” de Madame de Staël, l’appelle “le Voyage à Reims”, les personnages étant supposés se rendre au couronnement de Charles X.
Mais l’impopularité croissante de Charles X, qui débouche sur son départ précipité en juillet 1830, conduit à une relecture du 29 mai 1825 très vite interprété comme un chant du cygne anachronique de l’Ancien Régime. Chateaubriand se met à parler de “simulacre” et en 1828 Rossini réutilise les airs du “Voyage à Reims” pour en faire ceux d’un nouvel opéra, “le Comte Ory”.